lundi 11 mars 2013

Toto, dis merci à Hugo et rentre à la maison ! (Lettre ouverte à Victorin Lurel)




Cher Monsieur Lurel,

Pris dans la fougue de nos convictions politiques et dans notre vision manichéenne des choses, nous en oublions les trésors de notre sagesse populaire qui nous enseigne : « Rayi chien, di dan’y blan ! » Même si tu détestes l’autre, accepte de reconnaître ce qu’il a ou ce qu’il fait de positif !

Et dieu, oui, que je te déteste d’avoir permis, de permettre aux békés et autres grands planteurs de continuer de nous empoisonner, de leur donner carte blanche en leur accordant une dérogation supplémentaire pour l’épandage aérien !
Que je t’en veux d’avoir si aisément intimé ordre à tes pieds de Guadeloupéen d’entrer et de se « kalanndjer » dans les souliers de la personne !
Que je t’en veux de n’avoir pas su être aussi cohérent et grand qu’Aimé Césaire en refusant d’être « le jouet sombre à leur (grand) carnaval » !
Non pas que je me sois fait quelque illusion que ce soit sur le sens de ta nomination au Ministère des DOM-TOM ou sur la volonté du gouvernement socialiste de faire bouger les choses ou de tenter d’établir un autre rapport de la « Métropole » aux colonies ! Moi qui ne vote jamais aux présidentielles, je suis allée cette fois mettre un bulletin dans l’urne pour Monsieur Hollande parce que s’imposait l’urgence de bouter hors du pouvoir cet agent de l’ombre, ce génie malfaisant de Sarkozy.  Et je ne peux m’estimer déçue de sa vision politique étriquée et petite. Je ne lui en veux pas de ne pas faire l’effort de nous comprendre. Je n’ai pas besoin qu’il nous comprenne. Je veux juste qu’il nous respecte et qu’il respecte les peuples dont nous sommes proches !

Mais aujourd’hui que te voilà la cible de tous pour t’être exprimé dans ta vérité nue, je me dois de te dire que je suis de ton côté ! L’honnêteté intellectuelle l’exige de moi.
Ce que j’ai vu et entendu de ta bouche aux obsèques d’Hugo Chávez te grandit. Discours certes maladroit mais ô combien authentique! Je crois que s’il n’y a qu’une seule fois dans toute ta carrière politique où tu as été vrai, sincère et  honnête, c’est bien celle-là !
Par tes mots, tu as reconnu implicitement que tu t’étais trompé  sur la nature du processus en cours au Venezuela et sur la personne d’Hugo Chávez. Tu as laissé transparaître à quel point tu as été troublé, bouleversé, remis en cause dans tes fondements même par ce que tu as vécu à Caracas! Ce peuple versé par centaines de milliers dans les rues, ce peuple faisant la queue de manière disciplinée pour dire au revoir à son Comandante a su toucher ton âme mieux qu’aucun discours pro-chaviste n’aurait pu le faire! Tu as reconnu que l’on t’avait trompé, que tu avais accepté de te laisser tromper, que l’on trompait le monde entier sur les enjeux de la Révolution Bolivarienne. En acceptant d’être aussi vulnérable et nu que tu as pu te sentir à cet instant-là, en acceptant de paraître pitoyable et maladroit, en réalité, tu t’es offert de grandir. La magie du Comandante a opéré dans tes abysses ! Même mort –surtout mort- il a su te conduire au nannan de ton être pour te dire : « Regarde, vois, comprends… Prends ce que tu peux… Et dis au Monde notre vérité qui est désormais la tienne… »

La malhonnêteté de l’establishment et des media français est monstrueuse ! Ils te font payer l’épine que Chávez n’a pas cessé d’être à leurs pieds de colosse aux pieds d’argile. Le peuple du Venezuela, en criant an monde leur amour pour leur Comandante Presidente leur criait en même temps: “Notre Président a démontré qu’un autre monde est possible! Que votre modèle capitaliste peut être battu en brèche, qu’il est moribond! Ayez enfin l’honnêteté de le reconnaitre!”
Ils crient à l’indécence et à la trahison quand la vérité leur explose en pleine face. Et, si tu te berçais d’illusions sur la façon dont ils te considèrent réellement, aujourd’hui devant tes yeux surpris leurs masques tombent !

Que vas-tu faire ? S’ils exigent de toi que tu te dédises, que tu te renies, le feras-tu ? Trahiras-tu ton âme, TA vérité ? Accepteras-tu de trahir le peuple du Venezuela ? Accepteras-tu de renier El Comandante et de rentrer piteusement dans les rangs ?
De grâce, écoute ton cœur et ton âme. Sache remercier Hugo et son peuple de t’avoir ouvert les yeux, de t’avoir conduit au centre de ton être, de t’avoir donné le courage de transcender ta peur du rejet et des représailles !

Et… rentre à la maison, enfant prodigue ! Ton peuple te donnera quelques ziginok, quelques taloches bien senties et bien méritées et puis il te dira : « Toto, nou kontan vwè’w ! Nou kontan davwè ou déviré, Akaz, Opéyi ! Annou pran an sek ! Bienvenue chez toi d’où tu n’aurais jamais dû partir Toto! »


Schoelcher, le 11 mars 2013
Depuis la future République de Martinique,

Nicole Cage

Aucun commentaire: