jeudi 6 septembre 2012

États-Unis : les coulisses de la campagne présidentielle


Le président George W. Bush, l’homme qui a engagé sa propre Nation dans des guerres aussi sanglantes que désastreuses, qui a attaqué de manière décisive la vie privée et les droits constitutionnels, et qui a donné un nouveau tour de vis aux politiques néolibérales, a été élu à l’issue d’une des plus grandes polémiques de l’histoire des scrutins dits démocratiques, qui a vu opérations de recomptage manuel et feuilletons juridiques se succéder. Une chose vraiment difficile à croire venant d’un grand pays comme les États-Unis, bien connus pour être le berceau de la démocratie et de la liberté. Ainsi, le 43ème président l’est devenu … en recueillant moins de voix au niveau national que son adversaire. Rien d’étonnant dans ces conditions à ce que des groupes d’individus jugent nécessaire de se réunir et d’organiser des patrouilles d’observateurs chargées de surveiller que le vote aux prochaines élections présidentielles du 6 novembre se déroule dans le respect des règles.

C’est le cas par exemple de True the vote, une association fondée en 2009 au Texas par Catherine Engelbrecht. Une réussite fulgurante puisqu’un millier de membres actifs avait déjà rejoint ses rangs l’année suivante… Rien d’étonnant donc à ce que l’association ambitionne d’atteindre l’objectif du million d’observateurs, prêts à s’acquitter de leur devoir de citoyen modèle en sillonnant tout le pays lors de la prochaine élection présidentielle. Leur tâche première : éviter que les électeurs dépourvus de pièce d’identité puissent participer au vote et guider les plus désorientés devant les modalités électorales parfois peu pratiques.

Jusque-là, tout va bien : des citoyens actifs s’organisent pour défendre un droit constitutionnel et s’assurent qu’il n’y a pas de fraude. On pourrait penser à première vue que les militants du Parti démocrate travaillent sur le sujet étant donné la déconvenue subie il y a un peu plus de dix ans par leur direction. En réalité, les choses ne sont pas vraiment comme on pourrait le penser. True the vote est en fait une organisation liée au Tea Party ; elle travaille en étroite collaboration avec des centaines d’autres groupes de cette association nés au cours des dernier mois afin, eux aussi, de lutter contre les fameuses irrégularités. Étrange : les Républicains sont accusés de tricher aux élections et le groupe le plus à droite lié au Parti républicain s’organise pour éviter la fraude électorale ?!

Les choses deviennent rapidement plus claires lorsqu’on observe de plus près les circonscriptions ciblées par ces groupes : elles sont majoritairement peuplées par les Noirs et les Latinos. Lors des élections de 2010, ces fameux groupes avaient déjà déployé des centaines d’observateurs dans les bureaux de vote où les électeurs inscrits étaient majoritairement d’origine afro-américaine ou hispanique. Toujours en 2010, True the vote avait diffusé une vidéo de propagande montrant des photos de citoyens afro-américains qui s’apprêtaient à commettre une fraude électorale. La vidéo était évidemment un colossal bobard. Mais ce n’est pas tout : l’un des représentants les plus éminents de True the vote, Ted Poe, est devenu tristement célèbre en 2007 pour avoir cité - positivement - le grand Wizard du Ku Klux Klan, Nathan Bedford Forrest, dans un discours devant le parlement.

La stratégie de True the vote devient subitement plus claire : le droit d’exercer un contrôle démocratique sur le processus électoral cache en réalité la volonté de marquer sa présence en plaçant systématiquement des groupes d’observateurs dans les bureaux de vote connotés racialement, et ce à des fins évidentes d’intimidation.

True the vote est loin d’être un petit groupe de fanatiques isolés. Et la construction d’alliances avec des notables locaux fait partie intégrante de la stratégie du groupe, puisqu’ils contrôlent l’accès au vote. En usant de ses relations, l’association a par exemple réussi à accéder à la liste des électeurs inscrits en 2010 dans le comté de Harris, au Texas, chose qui a par ailleurs été refusée au Parti démocrate.

Le virage à droite opéré par le Parti républicain semble ne pas avoir de fin. La nomination du Paul Ryan, député du Wisconsin et partisan en 2011 d’une loi antisyndicale qui a conduit à des semaines de mobilisation et d’occupation populaire du palais du gouverneur, à la vice-présidence pour les élections présidentielles de 2012, a donné un signal clair aux électeurs du Parti républicain. La course aux électeurs modérés n’a plus lieu d’être : l’heure est plutôt à la polarisation. Il y a un peu plus d’une semaine, Tom Smith, candidat républicain de la Pennsylvanie au Sénat, avait comparé une grossesse issue d’un viol à une naissance hors mariage. Avant d’ajouter : « mettez-vous à la place du père, c’est la même chose »… et de préciser qu’une femme victime d’un « véritable viol » ne pouvait pas tomber enceinte, son corps essayant par tous les moyens de bloquer tout ça ».

La campagne présidentielle américaine ressemble fort à une vitrine des horreurs. Et aux États-Unis, terre de la liberté et patrie de l’homme courageux pour faire référence à Star-Spangled Banner, il n’y a visiblement pas de fin à l’horreur.

Capitaine Martin

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