mercredi 27 juin 2012

Lorsque la France ne sait plus perdre…



A l’heure où les médias français une fois encore s’acharnent sur l’équipe de France de football et ses joueurs, il est triste de constater à quel point la France, et son équipe de football ne savent plus perdre.

Si en effet nous pouvons nous apitoyer sur une équipe de France en lambeaux depuis l’ère Domenech, si nous pouvons regretter qu’un tel homme puisse avoir un jour eu le privilège de mener notre équipe nationale, si encore nous pouvons être scandalisé par le comportement de nos joueurs et discuter à l’envie les compositions de notre équipe, force est de constater que nous ne pouvons plus perdre, nous ne savons plus perdre…

C’est un triste constat qui fait suite à un phénomène franco-français assez curieux depuis la formidable aventure de l’équipe de France de 1998 qui avait réalisé des exploits incroyables de 1998 à 2006 en rapportant de glorieux trophées dont la coupe du monde de football et le championnat d’Europe. Depuis, il y a eu 2002 prémices d’une débandade collective d’une Nation ayant soif de victoires. Et depuis, nous avons eu le triste spectacle de la coupe du monde de 2010 en Afrique du Sud.

Certes, les défaites, l’arrogance de certains joueurs et de certains dirigeants, les scandales, l’argent, le Dieu Argent ont de quoi faire rager l’ensemble des Français et rirent sous cape beaucoup de nos voisins. Certes nous pouvons être effarés du spectacle donné, du mauvais exemple livré à nos jeunes générations, l’image d’un sport qui serait réservé à des sortes de décérébrés ahanants dans les stades des propos racistes ou des insultes à l’encontre des joueurs de l’équipe adversaire.

Nous voyons tous en effet les mauvais comportements des supporters de football, mais le football quoi que nous puissions en dire, reste l’un des sports les plus populaires de la planète. En France, le pays s’était passionnée pour l’aventure de l’équipe de Michel Platini, et cette équipe fut bien souvent malheureuse et échoua aux portes de la victoire à plusieurs reprises, notamment et surtout dans les coupes du monde de 1982 et 1986 en Espagne et au Mexique. Seulement, depuis cette époque la France a remporté une coupe du Monde, chez elle, en 1998, aucun Français qui était en âge de comprendre ou de suivre cet événement ne peut l’avoir oublier.

Depuis, cette glorieuse époque, il semble que la France, du moins les Français plus que l’entité France se soient enivrés d’une victoire qui a marqué si profondément la société française, qu’il n’était plus envisageable de perdre. Ainsi, de compétitions en compétitions, les Bleus se sont trouvés confrontés au désamour de la plus grande partie de leurs supporters, ils se sont trouvés sous la critique, sous la pression, sous les quolibets, au point de jeter la démoralisation dans les rangs d’une société française à la recherche d’elle-même. Elle avait cru un instant trouver une justification à sa construction actuelle, les Français avaient vécu en 1998 et en 2000 une communion nationale que les sociologues n’ont pas fini de commenter.

Par la suite, les feux de la victoire se sont éteints avec le départ des personnages d’une équipe désormais mythique et entrée dans l’histoire. Dès 2002, les Français avaient démontré d’une manière éclatante que comme le disait Napoléon : « du sublime, au ridicule, il n’y a qu’un pas ». Et grand Dieu, rarement une parole peut s’enorgueillir de convenir si bien à nos joueurs de football. Les Français simplement ont oublié que la défaite sportive est l’essence même du sport, que le lot commun de toutes les compétitions et de tous les compétiteurs, c’est justement de perdre, de connaître la défaite. Tout un peuple semble avoir oublié les fameuses paroles pourtant prononcées par un Français, Monsieur de Coubertin, sur l’importance de la participation, plus que sur les lauriers vite fanées d’une victoire !


Ce fait de société n’est pas sans nous inquiéter, sans m’inquiéter profondément sur les changements d’une France qui décidément est en crise dans l’ensemble des domaines de son essence. Est-ce donc là, la seule alternative, celle de la victoire, les Français n’auraient donc plus que le goût du soleil ? Il est en effet assez frappant de constater à quel point mes compatriotes sont également aussi vindicatifs sur l’état du climat, une sorte de tyrannie du beau temps… Auraient-ils oubliés les douceurs et le chant de la pluie ? Auraient-ils oubliés les joies et les rires de la neige, les odeurs, les senteurs des saisons ? Voilà déjà longtemps que je muris une réflexion sur ce sujet, et me désole de voir mes compatriotes sans cesse mécontents, sans cesse à grogner et à pester ! Peut-être finalement que la France n’est pas si éloignée des querelles et des grognes des célèbres habitants de l’irréductible village des gaulois…

C’est avec joie que j’entends toujours les Anglais s’époumoner dans les stades, que je vois les Suédois bariolés et joyeux supporter leur équipe, que je vois la candeur et la fraicheur des supporters de tant d’autres nations, notamment d’Afrique, qui sont sur un terrain de football, ou dans les gradins, pour jouer, pour s’amuser, pour rire, pour se donner et donner du plaisir. En France, nous semblons désormais prisonnier d’une victoire pourtant déjà ancienne et reléguée dans les souvenirs du sport. Nous n’avons peu s’en faut, pas été très brillants dans la dernière compétition, mais nous avons su nous tailler un chemin vers le second tour, ce qui est déjà en soit un résultat satisfaisant et honorable. N’aurions-nous que des invectives à adresser à nos joueurs ?

Car enfin, s’il est scandaleux de voir s’exprimer un homme aussi sulfureux que Monsieur Raymond Domenech qui dans la logique des choses souille et j’allais dire profane ce qu’il touche, l’exemple semble bien être le lot commun de millions de Français. Serions-nous condamnés à sans cesse récriminer ? N’avons-nous pas en définitive l’équipe qui nous représente le mieux sur l’instant ? Que peuvent par ailleurs ces joueurs prisonniers de pressions malsaines, saturés de privilèges, gorgés d’argent et dans l’ensemble fatigués et inquiets de savoir à quelle sauce les médias français les dévoreront. C’est tout un peuple qui fait une équipe et non pas un sélectionneur aussi intelligent soit-il !

La France retrouvera les chemins et les sentiers de la victoire lorsqu’elle aura retrouvé l’acceptation de la défaite, le goût de la fête, et non pas cet acharnement à la victoire dans une sorte de fuite en avant entaché de désespoirs et de négations. Le football après tout est un simple sport, un simple jeu, sachons nous en souvenir, et espérons que les médias un jour prochain mais qui paraît encore éloigné comprendront l’importance de la mesure, du détachement, la passion n’excuse pas tout, loin s’en faut. /L

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