Avril 2012

Chère Madame, Cher Monsieur,
Dans quelques jours, vous aurez à choisir la direction que vous souhaitez donner à notre pays pour les cinq années qui viennent en exerçant le plus sacré de vos droits en démocratie : celui de voter. Mon programme pour l’ensemble des Français est connu. Je tiens toutefois à prendre un certain nombre d’engagements complémentaires vous concernant, car je connais bien les situations particulières auxquelles vous êtes parfois confrontés.
Depuis 2007, comme vous le savez, je me suis rendu à douze reprises dans nos départe­ments et collectivités d’Outre-mer. Je suis fier de ce que nous avons réussi à bâtir ensemble : je pense à l’hommage national à Aimé Césaire au Panthéon, à la mise en place des deux collectivités uniques en Martinique et en Guyane, à la départementalisation de Mayotte, à la reconnaissance et l’indemnisation des victimes des essais nucléaires en Polynésie, au plan Harpie de protection de notre souveraineté en Guyane, aux États généraux de l’Outre-mer…
Dans l’hexagone aussi, je suis heureux de la dynamique que nous avons impulsée à l’endroit de nos compatriotes d’Outre-mer, dont la situation et les particularismes n’avaient jamais été pris en compte auparavant.
Ainsi, l’un des tous premiers décrets que j’ai signé en 2007 concernait la création de la délégation interministérielle pour l’Égalité des chances des Français d’outre-mer. Grâce à l’action énergique de Patrick Karam puis, aujourd’hui, de Claudy Siar, cette Délégation s’est installée définitivement dans le paysage administratif de notre pays, notam­ment en organisant les États généraux de l’Outre-mer dans l’hexagone, qui ont été une très grande réussite. Le travail accompli a été colossal : baisse du prix des billets d’avion pour les retours au pays, sécurisation des congés bonifiés, assouplissement des modalités des concours de la fonction publique, création d’un critère de priorité au logement universitaire pour les étudiants boursiers, pénalisation des double-cautions demandées aux ultramarins désireux de louer un logement dans l’hexagone, lutte contre la drépanocytose qu’il faudra encore amplifier dans les années à venir, extension de la diffusion de France Ô sur tout le territoire national, prise en compte des départements et collectivités d’Outre-mer lors de la présentation de la météo sur les grandes chaines nationales, solidarité avec les plus démunis dans l’hexagone, etc.
De la même façon, j’ai tenu pendant l’ensemble de mon quinquennat à souligner la contribution essentielle apportée par nos départements et collectivités d’Outre-mer à la construction de notre grande Nation. Ainsi, mon premier geste de Président de la République fut d’assister en mai 2007, aux côtés de Jacques Chirac, aux cérémonies de commémoration de l’abolition de l’esclavage, au Jardin du Luxembourg. En mai 2011, au même endroit, j’ai condamné en des termes extrêmement forts la grande faute de l’Occident qu’a été l’esclavage, indiquant que cette blessure était une faute inexpiable, irréparable. Ce sont des mots essentiels, qui ont du sens, et je sais que mes compatriotes ultramarins avaient besoin de les entendre au plus haut niveau de l’État. De même ai-je tenu à organiser des funérailles nationales pour Aimé Césaire, mais également un hommage solennel en sa mémoire au Panthéon, le 6 avril 2011. J’ai également souhaité que 2011 soit « l’année des Outre-mer » pour que partout en France, on connaisse mieux les richesses et les atouts de nos départements et collectivités ultramarines. Dans le même esprit, j’ai décidé que le traditionnel défilé militaire du 14 juillet serait, en 2011, dédié aux Outre-mer. Enfin, à chacun de mes déplacements, j’ai souhaité que notre pays s’incline devant ses grands aînés d’Outre-mer : ce fut la reconnaissance, aux Antilles, de ces soldats de la liberté qu’ont été les « dissidents », ou celle du « Bataillon du Pacifique » à Nouméa ; ce fut la reconnaissance des victimes des essais nucléaires en Polynésie, ou l’ouverture des archives sur Pouvana. Ce fut aussi l’hommage solennel rendu à Félix Eboué en Guyane ou, dans un autre registre, au « vivre-ensemble » réunionnais à l’occasion d’une rencontre avec le groupe du dialogue interreligieux lors de mon dernier déplacement.
Ensemble, depuis 5 ans, nous avons fait évoluer en profondeur votre situation, et pris enfin la juste mesure des problématiques spécifiques auxquelles vous étiez confrontés. C’est la première fois que l’on porte une telle attention à ce « 6DOM » constitué par les origi­naires d’Outre-mer dans l’hexagone. Pour autant, le travail est loin d’être terminé et je tiens à prendre devant vous quatre engagements forts.
Tout d’abord, je veux instaurer une « priorité régionale » dans la fonction publique afin de permettre à ceux qui le souhaitent de pouvoir retourner plus facilement au « pays ». C’est la raison pour laquelle je souhaite que la moitié des postes qui seront ouverts par mutation sur les départements et collectivités d’Outre-mer soient désormais pourvus par la Commission Administrative Paritaire (CAP) locale. La CAP nationale ne restera plus compétente que pour la moitié restante. Cette réforme vaudra bien entendu pour l’ensemble des grades administratifs, y compris pour ceux de catégorie A. Elle concernera tous les postes de fonctionnaires, c’est-à-dire aussi bien les services des préfectures que l’Éduca­tion nationale, les hôpitaux, la police, etc.
Ensuite, je souhaite que les tarifs de la téléphonie mobile baissent significativement entre l’hexagone et les Outre-mer, dans les deux sens. J’avais demandé aux opérateurs de téléphonie mobile de faire un effort en ce sens lors de mes voeux à la France d’Outre-mer, à Cayenne, au mois de janvier dernier. Deux d’entre eux viennent de me faire savoir qu’ils sont prêts à lancer, avant le mois de septembre, un forfait à cinq euros pour deux heures de communication entre l’hexagone et les Outre-mer. C’est un premier pas intéressant. Il nous faudra aller plus loin en nous donnant un objectif simple : que l’on puisse passer un appel vers l’Outre-mer dans les mêmes conditions tarifaires que partout ailleurs en France. Là encore, je m’y engage car il n’y a aucune raison que les Outre-mer soient considérés comme une France « à part ».
Je sais que de nombreux compatriotes d’Outre-mer, qui résident dans l’hexagone, sont parfois coupés de leur famille pendant plusieurs années, pour des raisons finan­cières qui tiennent essentiellement au prix des billets d’avion. C’est pourquoi je veux créer une « continuité territoriale familiale » pour eux. Très concrètement, cela signifie que ces compatriotes qui ne peuvent imaginer, à un horizon raisonnable, de pouvoir aller retrouver leur famille restée au « pays », bénéficieront désormais d’une aide à la prise en charge de leur billet d’avion, dans les mêmes conditions que l’aide qui est apportée par LADOM aux étudiants qui souhaitent venir étudier ici. Dès lors, le prix du billet d’avion sera significativement réduit, puisqu’une partie sera prise en charge par l’État. Je souhaite aussi que ce dispositif soit étendu aux familles qui sont frappées par un deuil et qui doivent, dans l’urgence, trouver un billet d’avion à la dernière minute. En plus de l’aide dont ils bénéficieront, nous passerons une convention avec les compagnies aériennes pour que leur soit systématiquement proposé le tarif le plus bas dans leur grille tarifaire, et pas le prix « dernière minute ».
Enfin, parce que l’utilité de la Délégation interministérielle à l’égalité des chances des Français d’Outre-mer m’apparaît comme une évidence, je souhaite renforcer ses moyens d’action pour qu’elle continue à porter, dans l’appareil d’État, les reven­dications légitimes qui sont les vôtres. Un travail de concertation approfondi avec les organismes bancaires sera notamment entrepris pour étudier avec eux les blocages qui semblent exister lorsque vous utilisez dans l’hexagone un compte en banque domicilié Outre-mer, et inversement. Je souhaite aussi que la Délégation continue à porter le combat contre la drépanocytose, qui est l’une de mes priorités de santé publique. Il lui reviendra notamment de me faire des propositions sur les modalités à retenir pour que la drépanocy­tose soit enseignée dans nos facultés de médecine.
Mes chers compatriotes, je ne suis pas là pour vous dire ce que vous avez à faire, je suis là pour accompagner vos projets car je crois à la diversité de vos talents et à la richesse que vous constituez pour notre République. Je suis aussi là pour vous protéger lorsque vous en avez besoin. Je vous ai toujours dit la vérité car c’est ma manière de vous respecter et, pourquoi ne pas le dire, de vous aimer.
Ensemble, continuons à écrire une nouvelle page de l’histoire de nos Outre-mer.
Vive les Outre-mer, vive la République, et vive la France !

Nicolas Sarkozy