dimanche 12 février 2012

LETCHIMY, EN « JOUET SOMBRE » AU CARNAVAL DES SOCIALISTES


En intervenant comme il l’a fait à l’Assemblée Nationale française, Serge Letchimy a sans doute voulu adopter une posture césairienne. Mais, il n’est pas donné à n’importe qui d’habiter le prestige intellectuel et le charisme de Césaire.
Les socialistes français, en direction desquels le président de la région Martinique avait lancé une puissante offensive de charme pour tenter de faire oublier son partenariat privilégié avec Sarkozy, le savent mieux que quiconque.

La question se pose , désormais, de savoir s’il n’a pas épuisé le maigre crédit dont il pouvait encore jouir auprès de l’équipe Hollande qui lui préfère la constance fidèle d’un Lurel ou le charisme extraordinaire d’une Taubira.

En effet, chacun aura observé que le candidat du Parti Socialiste a pris soin de maintenir à bonne distance de son staff un Serge Letchimy jugé trop imprévisible et trop marqué par ses relations avec Sarkozy qui n’a pas manqué de le favoriser dans son affrontement avec Claude Lise et Alfred Marie-Jeanne.

L’incident de l’Assemblée Nationale, quoique l’on puisse en penser « Outre-Mer » est très peu apprécié dans l’opinion publique française que les socialistes scrutent à la loupe pour éviter toute contrariété à ces français qui n’aiment pas qu’on leur parle de cette période honteuse pour nombre d’entre eux. Il a renforcé la prise de distance du Parti Socialiste et de l’équipe de campagne de Hollande qui n’ont manifesté qu’un soutien bien mou à celui qu’ils considèrent comme un trublion.

En réalité, les socialistes analysent l’intervention de Letchimy comme un dérapage, comme une erreur qui permet à une droite, jusqu’alors acculé, de reprendre l’initiative politique et de pousser la gauche sur une position défensive. Hollande n’a pas du tout apprécié. D’où son appel à sortir de la « polémique » et à passer à autre chose.

Ainsi, sans affirmer ouvertement se démarquer du « trublion », les socialistes, suivant une consigne de communication que chacun des porte-parole a scrupuleusement respectée, ont choisi de traiter le discours de Letchimy par la condescendance.

Les propos de celui qui se dit l’héritier du chantre de la Négritude seraient ceux d’un « homme blessé ». Sa parole qui se voulait politique, humaniste se voit donc expulsée du champ de la rationalité vers le ça de l’émotion, de l’expression irrationnelle de la blessure. Bref ! Un colonisé en souffrance à qui il faut savoir pardonner ses excès de langage !

C’est la manifestation de la résurgence permanente du paternalisme et du mépris d’une certaine classe politique française, de droite comme de gauche, vis-à-vis des élus des dernières colonies qui se bercent de l’illusion d’être regardés à hauteur d’homme par leurs colonisateurs.

Cela, Serge Letchimy ne l’a pas compris et ne le comprendra sans doute jamais , enfermé qu’il est dans une vision manichéenne et simpliste d’une France de « l’ombre » et d’une France « des lumières ». Il reste incapable de développer une pensée de la liberté et de la personnalité martiniquaise. La tonalité globale de la pensée de Letchimy, comme de Chamoiseau son mentor, reste celle de l’affranchi amoureux d’une vision idyllique d’une France des « Lumières » pervertie par on ne sait quelle noire magie de « l’ombre ». Cette pensée reste une pensée infantile.

Malgré la gifle des socialistes, « l’héritier » continuera à les soutenir, par intérêts personnels et par absence d’une véritable vision de la rupture conceptuelle avec l’idéologie coloniale. Et, c’est peut-être cela la plus grande tragédie des évènements que nous sommes en train de vivre.


Léon Barthélémy
Enseignant à la retraite

Diamant
10 février 2012

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