dimanche 30 octobre 2011

Les gens des mornes du Pérou, de Bezaudin, de Fourniols...



En quittant la route qui longe la côte nord atlantique de la Martinique et en s'enfonçant vers les hauteurs, on découvre un tout autre paysage, un pays serré sur les mornes, un pays caché vers les fonds ; Une verdurance du milieu et une abondance de la flore cerne le regard, les arbres fruitiers sont innombrables, les orangers, les mandariniers, pamplemoussiers (pyé chadeks) ployaient sous les fruits, des pieds de pommes de cannelle dont les fruits séchés sur l'arbre, me questionnait sur le relatif désintérêt pour nos produits locaux.

Les arbres sont chargés et le sol jonché de fruits en train de pourrir, tout ceci en pleine semaine du goût à la Martinique, certaines cantines de l'île ayant décidé de lutter contre l'obésité des jeunes en réintroduisant dans l'alimentation des produits du terroir, une initiative ne faisant pas l'unanimité chez les élèves.

Sur les mornes de Sainte-Marie on trouve un pays différent, ce sont des gens de la terre.

Subitement, au fil de la montée et des sinuosités de la route où on se demande à quel moment le conducteur va emboutir la voiture venant en face, tant parfois ces routes sont étroites, il me revient en mémoire que mon grand-père, le vieux kouli est de cette terre, et je questionne l'oncle par alliance qui m'accompagne, il me parle de la rudesse et de la gentillesse des gens d'ici, qui toute d'une manière ou d'une autre sont apparentés, me décrivant avec force et détails la récolte de café incombant à cette époque aux enfants, de "l'ennivrage" des rivières et des ravines par son père afin de récupérer les « dormés, les loches et autres poissons », pratique interdite par la loi qui conduisit l'homme devant les tribunaux, car la mixture faite de « noyo », de piment, de cendre, et d'autres ingrédients tuait le bétail qui s'abreuvait lors de « l'empoisonnement » de la rivière.

Le poisson ainsi récupéré était nettoyé, salé et mis à sécher, ces gens ne consommaient pas de poissons des mers à part la morue. Ils avaient des crabes de terre, mais, l'homme m'avoua qu'il affectionnait surtout le « cirique bois », un crabe qui ressemble au cirique que l'on pêche dans les mangroves, mais le sien vivait dans les forêts humides des mornes, et aussi des "zhabitans", des crevettes dont la taille pouvait égaler celle d'un avant-bras, il ponctuait toutes les différences alimentaires entre les gens de la ville et les gens des mornes, avant de nous quitter, il m'a invité à venir avant mon départ manger une choucroute de papaye à la viande salée.

Il y avait une lueur de fierté dans les yeux, quand il me dit que ce sont les mornes du nord qui ont nourri le peuple Martiniquais, cela fut jadis vrai, aujourd'hui cette mission est dévolue au port de Fort de France, c'est le port de marchandises  qui nourrit les Martiniquais, tout lui arrive depuis le reste du monde, un peuple qui s'obésifie, un peuple qui s'égare dans le livre des autres.

Evariste Zephyrin

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