mardi 23 août 2011

Reconstruction de la Lybie, une conférence de Berlin bis



Après l’annonce supposée de la victoire des rebelles (forces de l’Otan et insurgés libyens) sur les forces loyalistes de Kadhafi, la France par la voix de son ministre des affaires étrangères Alain Juppé (Journal télévisée de TF1 du lundi 22 août à 20h), annonce l’organisation d’une conférence de Paris, pour décider du sort de la Lybie, ce riche pays d’Afrique du nord. A l’instar de la conférence de Berlin (novembre 1884 à février 1885), qui devait fixer les "règles de la colonisation de l’Afrique et imposer le principe de l’effectivité pour reconnaitre une annexion" (Cf. Acte général de la conférence de Berlin, 26 février 1885), il s’agira certainement au cours de la conférence de Paris, de fixer les règles de la "reconstruction" et de "l’édification d’un Etat de droit" en Libye. Deux siècles séparent ces étapes de la folie prédatrice de l’occident par les armes, l’argent et le droit. Mais à quelques exceptions, le rituel s’annonce être le même. Si aujourd’hui on ne parle plus de la colonisation mais de la mondialisation, ce ne sera plus "Au nom de Dieu Tout Puissant" comme ce fut le cas en février 1885, (cela ne semble plus faire recette) que se signera ce nouvel Acte, mais "Au nom de la Démocratie et des valeurs républicaines", nouveaux concepts de la manipulation symbolique. Et pour le contenu, officiellement l’on nous déroulera des présupposés idéologiques humanistes pour légitimer cette ingérence que l’on justifiera par la défense des droits et libertés ou la volonté «d’accroître le bien-être moral et matériel des populations indigènes», comme jadis. Mais rien n’interdit par ailleurs et surtout pas les déficits publics sous lesquels ploient ces "seigneurs de la guerre" que l’objectif majeur soit de fixer le principe de la récompense de l’effort de guerre. Et pour les morts, l’on saluera leur bravoure et leur sens élevé du sacrifice, comme ce fut le cas en Irak et plus récemment encore en Afghanistan. Et quid de la démocratie qui pourtant avait été alléguée pour justifier cette guerre ? Pas grand-chose certainement, en tout cas rien de concret, on renverra les libyens à mieux disposer d’eux-mêmes parce qu’en tout état de cause on ne peut pas décréter la démocratie. Ainsi "l’axe de la terreur" comme en Irak, aura réussi à déstabiliser la Lybie qui était prospère sous Kadhafi, s’accaparera des avoirs de l’Etat Libyen sous la forme de remboursement de dettes, dont des prêts vite consentis à la rébellion pour faire la guerre et surtout prendra une part importante dans les marchés de reconstruction.

Il n’est plus à démontrer les ravages du système capitaliste marchand occidental sur l’humanité toute entière, ni le désastre de la pensée unique occidentale qui s’efforce vaille que vaille à imposer des normes aux peuples africains en particulier, en faisant valoir leur caractère universel. Mais la leçon que l’"esclave africain" ne cesse de donner au "maître occidental" qui n’a visiblement pas l’intelligence de la comprendre, c’est que si d’aventure il existait un universel, on ne soumettrait pas les autres à cet universel, on le leur soumettrait pour qu’ils puissent s’y reconnaitre, à défaut d’admettre que la réalité de la vie est diversité.

L’histoire nous apprend que la vie est cyclique. L’Afrique berceau de l’humanité a connu la première et une des plus riches et fécondes civilisations de l’humanité, elle subit depuis trois siècles bientôt, sous l’effet successif de l’esclavage, de la colonisation et aujourd’hui de la mondialisation, la domination inhumaine de l’occident, mais l’Afrique renaîtra de ses cendres. Alors inutile aujourd’hui de nous mettre à pleurnicher, à invectiver, ou croire naïvement que nous recevrons des autres des aides qui ne soient pas liées, le ressentiment ne servira pas notre juste cause. Que la douleur que nous ressentons aujourd’hui soit comparée à celle de l’accouchement, où malgré tout, nous travaillons à faire naître notre bébé. La bataille sera rude, sa perspective peut nous apeurer tout autant que la jeune fille qui ressent des contractions qui annoncent l’imminence de l’accouchement, mais elle n’arrête pas de "travailler" pour autant et finalement accouche d’un beau bébé. Face à l’effondrement progressif et inéluctable de la domination occidentale qui épuise ses dernières "armes" (déclassement progressif du symbole du capitalisme occidental, démantèlement des mensonges grossiers des mises en scène politiques), nous devons redoubler de vigilance et nous astreindre à un effort de recollection pour faire revivre notre passé culturel. De nombreux matériaux existent pour nous permettre cette reconstruction. Tout au long du siècle dernier jusqu’à nos jours, des savants et intellectuels africains ont produit des travaux d’une très grande richesse, Nelson Mandela et l’ANC ont donné au monde entier la plus belle leçon de démocratie et de pardon. Il nous reste à exorciser le complexe d’infériorité pour briser la prégnance de la référence unique à l’occident, c’est la voie de l’affranchissement. Au lieu de nous égarer dans une auto flagellation et en accusations somme toutes vraies, nous gagnerons à nous approprier ces connaissances, à nous identifier à ces modèles et surtout à transmettre les enseignements tirés de nos expériences aux générations futures, car c’est à elles qu’appartient l’avenir, l’ère de la renaissance africaine.

L’histoire quant à elle continue sa marche.

A’abell

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