mercredi 9 février 2011

Un homme aux dimensions du monde


Ce mercredi 9 février, la terre martiniquaise accueillera la dépouille de l’un de ses fils les plus prestigieux : Edouard GLISSANT.

Dans un discours prononcé le 6 juillet 1962, à Paris, pour rendre hommage à Albert BEVILLE, Justin CATAYEE et Roger TROPOS disparus, à Deshaies, dans le crash de l’avion qui les ramenait dans leur pays, Edouard GLISSANT écrivait :

« Nos pays, ces terres si petites et si pleines de souffrances, dont l’étroitesse géographique fait sourire souvent et leur attire le sarcasme de quelques inconscients, ont su produire, tout au long de leur histoire, des hommes aux dimensions du monde… ».

Edouard GLISSANT  fait partie de ces « hommes aux dimensions du monde » que la Martinique a enfantés. Son engagement fut d’abord un engagement pour son peuple et son pays, à la fin de ces années 50, quand une jeunesse prête à tous les sacrifices se levait partout pour briser le vieux carcan colonial et tenter, déjà, de créer un autre monde.

  
Sa participation à la création du Front Antillo-Guyanais avec Paul NIGER, de la Guadeloupe, et ses prises de positions clairement anti-colonialistes lui valurent une assignation à résidence en France entre 1959 et 1965. Il fut aussi l’un des signataires du « Manifeste des 121 » qui proclama « le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie ». Son roman « La Lézarde » (1958), la création de l’Institut Martiniquais d’Etudes en 1965, avec Marc PULVAR, témoignent de cette volonté d’être au service du pays natal. L’auteur du « Discours antillais » fait ainsi partie de cette génération d’intellectuels et de militants qui ont oeuvré, souvent au prix d’énormes sacrifices, à l’émergence d’une conscience nationale martiniquaise.


Sans jamais cesser d’être passionnément attaché à ses racines et d’apporter sa contribution au débat politique, GLISSANT consacra les trente dernières années de sa vie à ses fonctions de directeur du « Courrier de l’UNESCO » puis de professeur de littérature en Louisiane et à New-York.

Dans un contexte historique profondément changé depuis les luttes anti-colonialistes et marqué par la mondialisation, sa réflexion s’élargira. Les concepts de « créolisation » et de « tout-monde » constituent des essais de réponses aux mutations et aux nouveaux défis de nos sociétés contemporaines.

Par-dessus le fracas des haines, le « poète-philosophe », comme il aimait à se définir lui-même, a lancé des pistes pour tenter de faire naître un monde débarrassé de ses vieux oripeaux raciaux, un monde plus solidaire, plus humain.

Quelques soient les réserves que nous pourrions avoir sur tel ou tel aspect de sa pensée ou de sa démarche, GLISSANT n’a cessé de nous instruire, de nous interpeller, d’ouvrir des traces et de nous donner à espérer en l’avenir.

Francis CAROLE               Clément CHARPENTIER-TITY 

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