jeudi 3 février 2011

Edouard Glissant, le puisatier du tout monde

 
Nous avons  pratiquement lu tout ce qu’a écrit Édouard Glissant,  nous vous avouons n'avoir rien compris ni retenu grand chose de son œuvre. Son écriture est d'une rare complexité, elle s’apparente à une espèce de mantra, comme un rituel duquel émergerait une pensée créatrice, un jaillissement fécondateur, qui à son tour nous permis d’écrire ou d’asseoir notre réflexion non exempte de quiproquos, d’interprétations erronées  ou d’incompréhensions.

Nous ne l'avons jamais  rencontré ni croisé, des échos de lui par amies interposées dont l'une a suivi son cycle doctoral (PHD) à l'université de New York, nous semble-t-il et une autre ayant travaillé dans l’école qu'il a fondée en Martinique, Glissant ayant été son directeur à l’époque, l'une comme l'autre n'en garde pas un souvenir impérissable, mais le propre des génies est d'être différent, souvent illisibles à la plupart des gens,  hors de portée et hors de compréhension, ne s'inscrivant dans les schèmes de pensées et dans les contingences des individus lambda ou du commun des mortels.

Quoi qu'il en soit, son œuvre, ce qu’elle porte ou sous-entend parle pour lui. 

Son esprit refaçonnait le monde, tentant de l'inscrire dans une grande fraternité, dans une humanité abolit des frontières raciales voire territoriales, l'homme dans un grand tout, dans un tout monde.
C'est un rêve de philosophe. 

Comme le rêve c'est intangible, immatériel, impalpable, l'antillanité ce concept d'une fraternité humaine, d'une nouvelle relation de l'un à l'autre, pouvant s'apparenter à un  nouvel évangile ou évangélisme,  effaçant ou arasant  les différences, culturelles, cultuelles,  refondant l'humanité dans un processus de mondialisation, plus encore d'antillanisation. Nous n'y croyons pas ! 

Les races, les frontières ne disparaîtront, l'homme ne se fondra pas dans la multiplicité afin de donner naissance à cette unicité, à cet être fraternel   devenant l'Homme enfin débarrassé de ses pulsions animales et  de ces affects, non pas que le philosophe le préconisait, mais à  notre sens, c'est la condition sine qua non  afin que l'homme progresse dans son humanité et fusionne dans ce tout monde, quelque part indifférencié, métissé, donc uniment semblable.

Ce millénaire ne verra pas naître l'Homme inédit, cet homme reconstruit par l'histoire et espéré par les philosophes,  car il y aurait tant à déconstruire en lui : la violence, l'envie, la jalousie, la haine, le racisme, la fatuité, la vanité...
Nous croyons l'homme  insusceptible de progrès sur le plan moral et celui  des émotions, étant et restant un être de destruction, de répulsions,  un être profondément amoral.

Au sens religieux, il naît du mensonge, du meurtre  et depuis il en fait ses aises, son grand chemin.

Mais, il est bon de croire pour l'homme qu'il peut s’affranchir de ces contingences biologiques ou de ce déterminisme "divin" et se penser fondamentalement bon, voire  se bonifiant au fil des siècles.

C'est en cela que le prophète ou le philosophe du moins certains  d’entre eux, les plus rares contribuent ou rappellent, nous rappellent sans cesse   à plus d'amour, plus de fraternité, à plus d'humanité, comme le prêtre à plus de compassion et de charité.

C'est en cela qu'ils perpétuent, l'illusion, le rêve ou peut-être balisent le chemin.
Il n'y aura pas d'homme nouveau, il n'y aura pas d'homme récrée, inexorablement l'homme continuera sa marche vers la destruction, vers sa propre destruction, il est enfermé dans sa destinée.

Les hommes comme Glissant, Gandhi, Martin Luther King, l'abbé Pierre,  les êtres   comme Jésus, Bouddha, Mahomet,  nous les voyons tels des ralentisseurs de l’inévitable, des hommes utiles, ils le sont : utiles et à la fois tellement inutiles au regard de la marche de ce monde.

Mais nous avons besoin de ces êtres-archipels, de ces « étonnantes rencontres », de ces hommes-pont, de ces êtres saturés aux cris audibles  et regrettons qu’il n’y en ait pas  en surnombre, avec eux certainement le monde, les hommes chemineraient sur « une floraison de mers », nous ajouterons, les hommes chemineraient au-delà d’eux-mêmes, loin du précipice.


Tony Mardaye



Édouard Glissant, né le 21 septembre 1928 à Sainte-Marie en Martinique et mort à Paris le 3 février 20111 est un écrivain, poète et essayiste français.

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