dimanche 5 septembre 2010

Pays sans porte-voix

La chronique de l’écrivain Lionel TROUILLOT
jeudi 2 septembre 2010,
Radio Kiskeya

J’ai été choqué par la déclaration du Secrétaire Général de l’OEA, selon laquelle il n’y a « pas de raison de ne pas faire confiance au CEP ».
J’ai attendu avant de rédiger cet article. 

Je pensais que ce n’était pas à moi de réagir, mais à ceux que cette déclaration traite comme des moins que rien. Soit les partis politiques qui, n’ayant pas confiance dans le CEP, ont refusé de participer aux élections. 

Soit, les partis et candidats qui ont accepté de participer aux élections tout en exprimant leurs doutes quant à la crédibilité du CEP. Soit ceux qui ont été exclus du processus par le CEP qui a quand même fait quelques gentillesses pour accommoder des candidats plutôt proches du président, tous ayant servi à ses côtés ou sous ses ordres.

Ce qu’il y a de choquant dans la déclaration du Secrétaire Général, qui semble aussi en amour avec le Conseil Electoral que René Préval et Edmond Mulet, c’est justement la banalisation des inquiétudes haitiennes. 

Plus que de la banalisation, du mépris.

Tous les haitiens qui expriment leurs inquiétudes de citoyens sur un processus qui concerne leur vie, la vie de leurs enfants, l’avenir de leur pays, leurs conditions immédiates d’existence, sont-ils en train de « radoter » ?

Leur parole ne vaudrait-elle rien ?

De quel droit, le secrétaire Général de telle ou telle organisation prend-il sur lui de nous dicter qui ici est crédible et qui ne l’est pas ?

Ces simples mots sont une grande insulte envers Haiti.

Mais, par les temps qui courent, entre un pendu au Cap-haitien et les explications rocambolesques de la MINUSTAH, et le véhicule d’une institution internationale heurtant deux personnes et prenant la fuite, entre l’humanitaire qui impose sa richesse, ses objectifs et interdit de penser au développement, au structurant, et les chefs de l’international qui parlent de progrès, d’avancées, toutes choses que nous, aveugles et bêtes, nous ne voyons pas, : « ce n’est plus de toi, ma terre, que j’apprends la lecon ». 


N’importe quel blanc-bec employé d’une ONG a plus de pouvoir qu’un citoyen haitien sur les affaires haitiennes.

N’importe quelle jeune femme, cadre de l’international, a plus d’autorité que la plus ancienne de nos militantes féministes.

Alors, on comprend que le représentant d’un Secrétaire Général et un Secrétaire Général lui-même puissent intervenir sur nos destinées par un simple acte de parole : « Le CEP est crédible », comme Dieu disant : « Que la lumière soit ».

Y a-t-il une figure politique dans ce pays capable de porter une parole digne ?
Capable de nous rendre un peu de notre droit de nommer notre condition ?

Lionel TROUILLOT

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