vendredi 27 août 2010

Haïti, le pays de l'exclusion

Haïti vient de rater l'occasion de poser les jalons vers une société ouverte en excluant les candidats de sa diaspora de la course électorale.

L'arrivée de Wyclef Jean sur la scène politique haïtienne a secoué l'ensemble de la classe politique. Les jeunes se sont identifiés rapidement à Wyclef Jean qui a séduit par son discours. Les barricades dressées à Delmas, sur la route de l'aéroport, et ailleurs au pays en protestation contre le rejet de cette candidature illustrent bien un phénomène beaucoup plus profond. Ce pays est mûr pour un changement. Et chaque fois que les exclus en ont l'occasion, ils font savoir qu'ils veulent aussi participer aux affaires du pays.

Des candidats issus de la diaspora, aucun n'est retenu. Il s'agit de Wyclef Jean, star du hip-hop, de Kesler Delmacy, un médecin connu de la diaspora haïtienne basée à New York, de Raymond Alcide Joseph, ambassadeur d'Haïti aux États-Unis et oncle de Wyclef Jean, et enfin de Jean Bertin, basé à Santo Domingo. Lavarice Gaudin et Eddy Rodriguez proviennent aussi de l'extérieur. Cela confirme aux yeux d'une partie de l'opposition la politique d'exclusion qui caractérise Haïti depuis des décennies.

Le ministre des Haïtiens vivant à l'étranger, Edwin Paraison, estime que c'est un très mauvais signal que le pouvoir a envoyé aux Haïtiens de la diaspora, qui sont courtisés pour financer toutes sortes de projets en plus d'être sollicités à hauteur de 2 milliards de dollars l'an pour venir en aide directe à leurs familles.
Par contre, les candidats du pouvoir, toutes branches confondues, sont tous admis à la compétition. Les sept ministres ou anciens ministres sont admis en dépit de l'obligation de présenter un certificat de décharge de leur gestion. Seul le parlement est habilité à délivrer un tel certificat. Comme le parlement est caduc, le conseil électoral a décidé d'accepter un certificat délivré par la cour des comptes et du contentieux administratif. Ce qui ne relève pas de ses compétences, selon les partis de l'opposition.

Le président Préval avait à coeur la participation de deux candidats: Charles-Henry Baker, candidat du parti Respect, arrivé troisième aux élections de 2006, et Myrlande Manigat, constitutionnaliste reconnue et professeure émérite, en plus d'être secrétaire général du Rassemblement des démocrates nationaux progressistes (RDNP). La présence de ces deux candidats donnerait un semblant de légitimité au processus électoral, boudé par la grande majorité de la population qui se bat pour leur survie depuis le 12 janvier 2010. 

L'opposition regroupée au sein du collectif pour le renouveau haïtien (COREH) a subi un dur revers, car elle envisageait justement de demander à ces deux candidats de ne pas participer à ce qu'elle considère comme un jeu pipé d'avance. En se présentant seule sans l'aval de cette coalition, Mme Manigat prend cette opposition et d'autres alliés par surprise. La coalition se retrouve face à un dilemme, car elle ne peut arrêter la machine électorale, bien contrôlée par le pouvoir exécutif. 

Plusieurs des candidats écartés envisagent un recours contre le conseil électoral provisoire, dont Wyclef Jean, qui mène une bataille sans grande conviction pour se faire accepter du conseil provisoire. Et tout semble indiquer que la décision du conseil, si tant est que le conseil électoral ait agi de façon indépendante, ne changera pas en ce qui concerne Wyclef Jean.

Le président Préval n'inspire pas confiance. Plusieurs secteurs de l'opposition le soupçonnent de préparer des élections frauduleuses avec des candidats choisis pour brouiller les cartes. À plusieurs reprises, le président Préval a fait savoir qu'il avait deux préoccupations?: il ne veut pas se retrouver en prison à la fin de son mandat et il ne veut pas partir en exil non plus. Mais pourquoi donc ces préoccupations? Aurait-il des choses à se reprocher?

Jacquelin Telemaque

 

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