jeudi 26 août 2010

A Douarnenez, le saisissant regard d'Haïtiens sur Haït

Vous voulez voir comment de jeunes Haïtiens filment leur pays, leur société et les gens qu’ils aiment ? C’est sur le Net, et jusqu'au 28 août au 33e festival de cinéma de Douarnenez, où des stagiaires de la première école de cinéma en Haïti, le Ciné Institute, sont venus présenter leurs courts métrages.











22 février 2010: des étudiants du Ciné Institute en plein tournage.
- © Ciné Institute 
Leurs images du tremblement de terre du 12 janvier dernier ont fait le tour du monde. Caméra au poing, les étudiants du Ciné Institute de Jacmel, une ville côtière d’Haïti, ont filmé en direct les secondes d’horreur qui ont mis à genoux Port-au-Prince et sa région. Mais c’est un autre regard, plus distancié, douloureux mais aussi tendre et poétique, qui transpire des courts métrages présentés cette semaine au festival de Douarnenez par deux étudiants haïtiens. Ces travaux d’école, imparfaits sur le plan formel, mais qui portent un regard de l’intérieur, souvent bouleversant (on pense à ce défilé mi-carnavalesque mi-funéraire, de février dernier, mêlant masques, visages pétrifiés et banderoles noires), a saisi le public curieux du festival breton, habitué aux belles rencontres du bout du monde.

Invités pour cette édition consacrée à la Caraïbe, Jean-Bernard Bayard (29 ans), et Donald Charles (34 ans) sont les ambassadeurs de la première vraie école de cinéma d’Haïti : inauguré il y a deux ans, dans le sillage d’un festival de cinéma par le réalisateur américain David Belle, le Ciné Institute accueille (gratuitement) pour deux années de formation une cinquantaine de jeunes recrutés pour leur parcours et surtout leurs motivations. Des scénaristes, monteurs et professionnels d’Hollywood se déplacent pour des ateliers (en anglais, ce qui alourdit l’enseignement qui demande à être traduit), mais aussi quelques professionnels haïtiens. La France, et notamment la Fémis, l’école de cinéma présidée par le cinéaste franco-haïtien Raoul Peck, ancien ministre de la Culture d’Haïti, a jusqu’ici raté le coche, distribuant, pour cette rentrée, deux malheureuses résidences pour deux femmes cinéastes à Paris.
Silent March from Ciné Institute on Vimeo.
Quand Donald Charles rêve d’un « Jollywood », condensé de Jacmel et d’Hollywood, d’une véritable industrie cinématographique nationale dans un pays où il n’existe plus une seule salle de cinéma – c’était le cas même avant le tremblement de terre –, Jean-Bernard Bayard veut filmer sa société, au cœur : « En travaillant avec des équipes de télé étrangères, j’ai vu trop souvent les clichés après lesquels courent beaucoup de journalistes de news : mon pays ne se résume pas aux éternelles images du bidonville Cité Soleil, d’enfants crevant de faim et de cochons qui fouinent dans le fatras… Haïti , c’est aussi, au cœur même d’un bidonville crasseux, des salles à manger magnifiquement bien rangées et des intérieurs très propres, des belles filles dans les rues, une jeunesse qui a de l’humour… J’ai envie de filmer tout ça. De l’intérieur. En prenant mon temps, sans feuille de route. A ma façon. » 

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