vendredi 27 août 2010

Bernard Pons : « Tous les morts supplémentaires feraient peser sur nous tous une grande responsabilité »

Victime de la dengue, l'ancien ministre en retraite aux Anses-d'Arlet demande des engagements au ministre de la Santé et propose des solutions pour lutter contre la maladie


Traditionnellement très discret, vous avez tenu à vous exprimer au sujet de l'épidémie de dengue. Pourquoi ?


Depuis que j'ai quitté la vie politique et que j'ai pris ma retraite à la Martinique, je me suis forcé à une obligation de réserve que j'ai toujours scrupuleusement respectée. Aujourd'hui je sors de cette réserve pour trois raisons. La première c'est que je suis médecin, la deuxième c'est que je suis ancien ministre et la troisième c'est que je viens d'être frappé par la maladie qui touche aujourd'hui la Martinique et la Guadeloupe.

Vous avez le sentiment que le problème n'est pas suffisamment pris au sérieux ?


Malheureusement, la dengue a, à juste titre, une réputation de maladie bénigne la plupart du temps. On considère qu'il n'y a pas de traitement, pas de vaccin et qu'au bout de 7 jours en principe, tout rentre dans l'ordre. C'est habituellement vrai. Malheureusement, les sérotypes qui frappent la Martinique, surtout le 1, donnent la plupart du temps des affections sévères, souvent graves et quelques fois très graves.
Malheureusement, les Antillais vivent depuis leur naissance avec les cyclones et la dengue et, comme on considère que c'est une maladie bénigne, la plupart d'entre eux ont l'habitude de soigner ça avec des infusions d'atoumo ou des jus de citron.
Je suis un privilégié. Parce que je suis médecin, que j'ai des amis médecins ou que je suis un ancien ministre, j'ai été hospitalisé. Les perfusions de chlorure de sodium à 0,9% ont pu donner une amélioration rapide. Mais combien y a-t-il de privilégiés dans mon cas ? La plupart du temps, les familles sont livrées à elles-mêmes. Elles ne consultent pas toujours le médecin donc mon premier appel consiste à dire à tous les Martiniquais et Guadeloupéens que, quelque soit le degré d'atteinte, il faut obligatoirement que devant des signes de fièvres, de maux de tête ou de courbatures, un médecin soit consulté.

Les ministres de l'Outre-mer et de la Santé sont attendues en Martinique en cette fin de semaine. Pensez-vous que le gouvernement ait tardé à réagir ?


J'étais étonné que le gouvernement ne se soit pas encore manifesté (...) Je me réjouis que les ministres de la santé et de l'outremer viennent. La Martinique et la Guadeloupe doivent bénéficier de la solidarité nationale. On n'est pas au bout du tunnel. On en est à mon avis encore loin. Treize morts à la Martinique c'est treize morts de trop et tous les morts supplémentaires feraient peser sur nous tous une grande responsabilité.

Quel message comptez-vous faire passer à Roselyne Bachelot, ministre de la Santé ?


Je voudrais que madame la ministre de la Santé prenne bien en compte la gravité à long terme de la situation que nous vivons et mette en place de grands moyens pour lutter efficacement. On ne doit pas attendre la crise et, entre autres, multiplier les crédits pour la recherche. Je ne veux affoler personne mais simplement dire que nous sommes dans une situation grave durable. Il faut qu'on se mette dans la tête que la lutte contre la dengue c'est un travail permanent 365 jours par an.

Avez-vous quelques idées concrètes à lui glisser ?


Ne nous faisons pas d'illusions, ce ne sont pas les militaires qui vont régler le problème de la dengue. Les problèmes doivent être réglés sur le terrain. Aujourd'hui, c'est le Conseil général qui est en charge de la lutte contre cette maladie. Je crois qu'il faut aller plus loin. J'ai toujours été partisan de la démultiplication et de la décentralisation des actions. Si mes informations sont bonnes, le service départemental de lutte contre la dengue a à sa disposition 5 véhicules munis de pulvérisateurs qui leur permettent de traiter les lieux infectés et suspects. Mais 5 pulvérisateurs pour plus de 400 000 habitants, est-ce suffisant ? Il faudrait que chaque commune soit dotée de plusieurs personnes formées pour l'utilisation de moyens de destructions des gîtes. Je suis sûr de la disponibilité des maires et des élus pour prendre en charge cette action. Personne n'est mieux placé que les élus locaux pour connaître les maisons qui ont été infectées par les virus et les gîtes douteux.

Que pensez-vous du discours qui consiste à dire que si l'épidémie est si grave, c'est à cause du manque de civisme et de la négligence de tous ceux qui ne font pas suffisamment la guerre aux moustiques dans leur domicile ?


occupants ont été malades, dont 3 hospitalisés, il y a des moustiquaires à toutes les fenêtres. Dans chaque pièce, il y a des prises électriques avec des produits insecticides. Tous les jours, on utilise des répulsifs. Nous avons fait venir de métropole un appareil américain qui est un piège à moustiques fonctionnant avec une bouteille de butane et des plaquettes d'octénol. C'est très efficace. Nous avons installé devant et derrière la maison des pièges à moustiques avec des poissons mangeurs de larves et de moustiques. Les gouttières sont vérifiées chaque semaine. Donc on ne peut pas dire que, dans cette maison, toutes les précautions préventives n'avaient pas été prises.

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