jeudi 8 juillet 2010

Discours du député Alfred MARIE-JEANNE lors de la discussion générale du projet de loi relatif à la modernisation de l’agriculture



Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Collègues de l’Assemblée Monsieur le Ministre,

Les récentes émeutes de la faim dans le monde, la dilapidation du foncier agricole, l’arrachage des plantes alimentaires de subsistance et leur remplacement par des productions spéculatives, l’exploitation intensive des ressources halieutiques, la déforestation inconsidérée..., sont des preuves patentes d’un productivisme outrancier. Il est temps de corriger le tir. Le projet de loi sur la modernisation de l’agriculture et de la pêche, pour louable qu’il soit, apporte-t-il les réponses appropriées ?
Pour la Martinique je pense qu’on est loin du compte.
Cette modernisation pour être viable, ne saurait seulement se cantonner à ces deux secteurs, tant les choses sont compartimentées à souhait, tant les obstacles à surmonter sont nombreux, tant les remises en cause sont nécessaires.
Pour preuve, la Martinique est devenue de plus en plus dépendante de l’extérieur pour ses moindres approvisionnements. Je dirai même que c’est un fait exprès. En un mot, c’est l’import qui domine, c’est l’import qui prédomine. C’est encore lui qui étouffe en grande partie l’embryon de développement endogène malgré les efforts persistants déployés par ailleurs en ce domaine. C’est une lutte sans merci pour atteindre les objectifs fixés.
Les chiffres parlent d’eux mêmes. Pour un pays qui regorge de fruits : c’est plus de 75% d’importation. Pour la viande porcine : c’est plus de 80 % Pour la viande bovine : c’est plus de 80 % Pour la volaille : c’est plus de 90 % Pour la viande ovine et caprine : c’est plus de 95% Pour les produits de la pêche : c’est au moins 50% Cet énoncé non exhaustif démontre qu’il y a largement place pour un développement endogène de qualité générateur d’emplois pérennes.
Encore faut-il ne plus lésiner à l’enclencher très hardiment et sans relâche. Car la cohérence et la synergie requises en la matière, ont été volontairement et profondément mises à mal par tous ceux qui n’y trouvaient pas intérêts immédiats.
Et j’explique : Les cultures vivrières et maraîchères sont loin de couvrir les besoins. Cette part va en diminuant du fait de la pollution exécrable des sols. D’où renforcement prévisible de l’import. Pourquoi alors ne pas prévoir une aide substantielle en faveur des petits exploitants pour la culture hors sol ?
La transformation des produits à valeur ajoutée est plutôt marginale jusqu’à présent. Et pourtant la matière première ne manque pas. D’où renforcement de l’import.
La Surface Agricole Utile (SAU) se rétrécit d’année en année nous éloignant de plus en plus du seuil requis pour un autosuffisance optimum. De 80 000 ha en 1960, elle n’est que de 25 000 aujourd’hui. Cette déperdition qui s’est accélérée au cours de ces dernières années, handicapent assurément un développement conséquent.
Dans ces conditions, c’est l’import qui sortira renforcé.
Quant à l’élevage, il est insuffisamment développé au point que l’abattoir départemental n’atteint pas son quota d’abattage ce qui l’a conduit au bord du dépôt de bilan. Là encore, c’est l’import qui sortira renforcé.
Je veux également signaler une anomalie aggravante de la situation. C’est le fameux Plan de Prévention des Risques qui interdit carrément la pratique agricole sur des superficies autrefois largement exploitées. C’est du jamais vu ! Allez comprendre pourquoi ! En tout cas, au bout, c’est l’import qui sortira renforcé.
L’un des corollaires de cette situation déplorable est que les superficies de friches augmentent. La
conséquence inéluctable à terme est de les voir classer en zones intouchables. D’où réduction des possibilités et des activités. C’est l’import qui sortira renforcé.
La SAFER, quant à elle, par manque cruel de moyens, a perdu de facto l’exercice de son droit de préemption.
Elle, dont la mission de service publique est de protéger le foncier agricole, se trouve démunie. Qui plus est, son action est jugée illégale lorsqu’elle intervient en cas de vente avec réserve d’usufruit ou de nue-propriété.
Ces pratiques consistent à contourner et à détourner le droit de la SAFER. Et rien n’est fait jusqu’ici pour les interdire malgré mon interpellation au gouvernement en février 2008. C’est le démembrement de la Surface Agricole Utile qui continuera à prévaloir au détriment de la production. In fine, c’est encore l’import qui sortira renforcé.
Quant à la pollution des sols agricoles par le chloredécone, c’est le coup de grâce donné à bon nombre de petits paysans. Quel gâchis ! La nocivité notoire de ce produit est telle, que les nombreux arrêtés d’interdiction de planter par-ci, de pêcher par là, pleuvent sans cesse, tandis que que les découragés, les nouveaux précarisés pleurent sur le sort qui leur est tristement réservé. C’est l’import qui sortira encore renforcé. Dans le même ordre d’idée, une directive européenne a prévu l’interdiction de l’épandage aérien. A cet égard, ôtez-moi d’un doute. Il paraît qu’une dérogation aurait déjà été demandée, comme ce fut le cas en son temps pour le chloredécone,molécule mortifère qui ne finit pas de sévir. Saurez vous éviter les mêmes errements pour ne pas reproduire les mêmes effets désastreux ? Et pour parfaire ce cycle infernal, au prétexte de voler aux secours des énergies renouvelables, indispensables certes, on empiète allègrement sur la Surface Agricole Utile par centaines d’hectares, en déployant au sol le photo-voltaïque ; comme si l’un des moyens de se moderniser, passait obligatoirement par le bradage des terres d’un pays d’étendue réduite et vulnérable. Quant à la défiscalisation, son effet pervers le plus pernicieux a été de bouffer une partie des terres agricoles et de faire flamber les prix du foncier. Concernant la pêche, Les directives européennes nous sont appliquées le plus souvent de façon draconienne et sans discernement. Or, l’essentiel des embarcations concernées ont recours à la pêche côtière.
Leur longueur moyenne est de 7 m et pour les plus longues moins de 12 m. Ai-je besoin de plaider plus avant !
On a complexifié à outrance et les freins sont partout. Quelle logique ! Sinon celle du pourrissement qui fait son œuvre de déstabilisation. C’est l’exclusif de Colbert revisité et réaménagé à l’aune des temps présents. En conclusion : Je viens de vous décrire l’univers dans lequel le développement endogène devra se frayer un chemin.
En tout cas,
Existent les potentialités
Existent les hommes en qualité et en quantité Existent les moyens
Existent les marges de manoeuvre
Mais, Exit la spéculation si l’on tient vraiment à réussir ce challenge.
Exit aussi, l’usage exclusif des ordonnances
Pour conserver le savoir
Pour amplifier le savoir-faire
Pour conquérir le pouvoir-faire."

Alfred MARIE-JEANNE

Paris le mercredi 30 juin 2010

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