samedi 22 mai 2010

Le chantier Haïti



Quatre mois après le séisme, on a l'impression que tout projet, programme ou initiative qui n'a pas le soutien de l'internationale ou un financement étranger fait et fourni n'a nulle grâce aux yeux des autorités politiques et des forces économiques.
Nous donnons l'impression de ne pas pouvoir mettre un pied devant l'autre, pas même capable de nous lacer les chaussures, si nous n'avons pas l'aval, l'appui, le renfort, d'un allié extérieur. Que nous sommes pétrifiés, statufiés, englués dans un pot de colle, si nous ne sommes pas assurés de l'intérêt ou de la magnanimité d'un bailleur de fonds étranger pour soutenir la plus petite idée.
On finira par croire que nous n'avons pas la matière grise pour penser, planifier notre relèvement, aller voir pour lancer le train de la reconstruction.
Pourtant il suffit de voir ces milliers de propriétaires mettre au travail, sans aide et sans grands moyens, des dizaines de milliers d'ouvriers dans la démolition et la réparation de leur demeure pour comprendre que nous sommes prêts à repartir à l'assaut de la vie.
Quatre mois après le séisme, aucune refonte du gouvernement n'a été envisagée. Aucun changement n'a été effectué dans l'appareil d'État, même le plus minime déplacement de diplomate ou de haut cadre n'a pas eu lieu..
Aucune loi n'a été introduite non plus, devant le Parlement pour corriger ce qui n'allait pas avant la crise, ou ce que notre réponse a prouvé qui n'était pas à la hauteur de la catastrophe ou des calamités futures. Les lois donnant du temps et des latitudes pour dépenser sont nécessaires, mais ne suffisent pas pour en faire une stratégie.
Au centre-ville, comme des fourmis, les gens se sont remis au travail, plus informel que jamais, mais plus vibrant qu'avant. Les hommes d'affaires consolident leur assurances, reprennent crédit dans les banques et réensemencent leurs ambitions
Comment conforter les espérances légitimes de ceux qui se lamentent d'attendre le signe minimal qui augurerait d'une ébauche de prise en charge efficace, si nous restons confortables dans les habits anciens de l'avant-12 janvier?
La reprise et la relance ne seraient-elles pas plus fortes si un mot était dit, un slogan lancée, un discours tenu?
Prenons pour vrai que la communauté internationale va financer sans crainte tout l'effort de rénovation. Même pour la forme, n'allons-nous pas instituer une taxe de support à l'aide, recréer une loterie qui permettrait à ceux qui ont tout perdu de rêver regagner leurs biens sur une bonne pioche de la chance et ainsi regarnir le trésor public? Allons-nous tout laisser à la charge des donateurs comme dans le rêve éveillé de Pierrette?
Prenons pour parole d'Évangile que nos amis vont tenir parole et, pendant dix ans, nous trouver dignes de leur confiance pour nous soutenir sans retenue et sans des conditionalités trop lourdes. Nous n'allons rien faire pour montrer que nous sommes partant pour aller chercher un peu de tout ce qui nous manque?
Les temps ne sont pas à l'effort fiscal, mais aussi ils ne doivent pas être ceux de la mendicité au prétexte que nous sommes pauvres et sans ressources. La refondation doit aussi passer par la recherche de la dignité qui rend responsable, comptable de ses problèmes et condamnable pour ses fautes.
L'assistanat ne nous construira pas un pays ni une société forte.
Pour la troisième fois en quatre mois, la République Dominicaine organise une importante rencontre internationale sur Haïti. Le président Leonel Fernandez s'implique encore une fois en tête de liste pour mener à bon port les discussions.
Nombreux sont ceux qui ne s'expliquent pas la passion subite de nos voisins pour nos malheurs.
C'est oublier que notre misère empêche leur richesse, même si une Haïti pauvre leur permet de briller de mille feux.
En fait, avec les États-Unis d'Amérique, la République dominicaine est le pays le plus concerné par notre sort. Même plus que les États-Unis.
Si les gardes-côtes US arrivent à contenir avec un maximum d'efficacité nos candidats au voyage clandestin vers les rives de la Floride, les Dominicains n'ont pas le même succès avec la frontière toute virtuelle qui sépare nos deux nations.
C'est bien que la République dominicaine nous stimule, nous encourage, nous impose avec ménagement un rythme soutenu pour forcer les barrières, battre le fer de la solidarité pendant qu'il est chaud. Une question demeure: quand allons nous lancer le premier sommet inter-haïtien, puis avec nos amis du monde, pour parler, ici, en ce lieu de misère et d'espérance, de notre avenir.
N'est-il pas venu le temps de lancer le chantier Haïti en Haïti?
P.S: Les Dominicains organisent ce week-end des élections législatives. Un de ces rendez-vous à date fixe qui assurent leur processus démocratique.
Bon an, mal an, nos voisins respectent les échéances, s'enflamment pendant la campagne électorale, se disputent les résultats, font la paix après trois jours et font avancer leur pays au nom de l'intérêt national bien compris.
Suivez mon regard, comme dirait Jean Dominique.

Frantz Duval

duval_at_lenouvelliste.com

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