vendredi 21 mai 2010

Europe, Poupées russes et ACP.


Le débat sur le texte de la réforme des collectivités locales prévue à l’Assemblée Nationale à partir du 25 de ce mois de mai, a déjà été l’objet de dépôt d’un grand nombre d’amendements. Et gageons que ce n’est que le début, tant cette réforme suscite intérêt et passion. Cela est bien normal, car la future organisation du fonctionnement de la France impliquera de profonds changements pour nous citoyens de ce pays. Nous ne pouvons donc l’ignorer et laisser faire ce que nous regretterions par la suite.

Parmi les nombreux amendements déposés, l’un d’eux a retenu tout particulièrement notre attention. Il s’agit de celui signé par Victorin LUREL et deux de ses collègues députés de la Réunion. Ce texte vise à exclure la Guadeloupe et la Réunion de la modification qui consisterait à remplacer les Conseillers Généraux et Régionaux par les seuls Conseillers Territoriaux ; les mêmes siégeant au Conseil général quand celui-ci se réuni et au Conseil régional lorsque celui-là tient séance.

Que penser alors de l’initiative de notre Président de la Région Guadeloupe, dont nous sommes contraint de rappeler ici qu’il a été élu au premier tour par des voix, dont on peut dire sans risques de se tromper, qu’elles venaient au moins à part égale, d’électeurs de droite autant que d’électeurs de gauche. Ajoutons pour la clarté du débat, que ces électeurs de droite, qui entendent rester dans le droit commun institutionnel, s’étaient détournés de la liste de l’UMP tout simplement parce que ses dirigeants prétendaient entraîner la Guadeloupe vers un statut spécifique. Ils avaient ainsi –ces électeurs de droite- comme en décembre 2003 et en mars 2004, reportés leurs suffrages vers des positions et des candidats qui rejetaient l’idée d’un statut spécifique et se sont donc, pour cette raison, naturellement reportés vers la liste conduite par Victorin LUREL.

Donnons la parole à Victorin LUREL lui-même, qui dans une interview accordée à un quotidien local justifie ainsi son amendement: « La réforme territoriale ignore les particularités de l’Outre-mer. Pour ce qui concerne la Guadeloupe et la Réunion, le texte est inadapté et anticonstitutionnel puisque sans consulter les populations concernées, le gouvernement veut fusionner des fonctions électives pour faire un élu hybride qui va faire le travail d’un conseiller général et d’un conseiller régional. Or, l’article 73 dernier alinéa de la Constitution dispose que si l’on change le statut pour supprimer la Région et le Département pour créer une collectivité unique, il faut dans nos régions consulter les populations. Le texte déposé ne le prévoit pas. On ne peut accepter en l’état ce texte. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement, excluant l’application de ce texte en Guadeloupe et à la Réunion ».


Deux explications s’offre à nous :

- Ou bien, Victorin LUREL, élu du parti socialiste participe, par le dépôt de ce texte, à l’action normale de l’opposition , toujours prête (quelle qu’elle soit) à multiplier les handicaps à l’action du Gouvernement en place. Et, bien que comprenant cela, nous disons danger sur un sujet aussi brûlant.

- Ou alors il s’agit d’une démarche réfléchie et de fond et alors « rien ne va plus » !

En effet, en analysant l’explication que nous donne le Président de la Région Guadeloupe, il saute aux yeux des contradictions et incohérences flagrantes qui nous étonnent de la part d’un esprit habituellement clair et synthétique. Rappelons en préambule que la Réunion n’est pas concernée par l’article 73. Ensuite, la modification dont il est question ici, dans ce projet de loi, ne vise nullement à supprimer les départements et les Régions, mais comme expliqué plus haut, à créer des « Conseiller Territoriaux » qui siègeront au Département d’une part et à la Région d’autre part. S’il en était autrement, et en particulier s’il s’agissait dans l’Hexagone de supprimer les Départements, peut être le Président de Région serait-il fondé à penser nécessaire le recours au référendum local. Ce qui n’est pas certain du tout, tant qu’il s’agirait d’une réforme s’appliquant à l’ensemble du territoire.. Mais nous n’en sommes pas là. La Guadeloupe a déjà été consultée sur la fusion des deux collectivités, le 7 décembre 2003 et a répondu NON à 75% à cette question : « Approuvez-vous le projet de création en Guadeloupe d'une collectivité territoriale demeurant régie par l'article 73 de la Constitution, et donc par le principe de l'identité législative avec possibilité d'adaptations, et se substituant au département et à la région dans les conditions prévues par cet article ? ».

Nos élus nationaux et locaux feraient bien de s’en souvenir ! Les Guadeloupéens sont attachés au statut de droit commun. S’il évolue en France, ils veulent être de cette évolution là. Et voici pourquoi !

L’« Europe » est organisée telle une poupée russe !

Dans l’Europe, il y a l’Etats européens. Et pour ce qui nous concerne, l’Etat France.
Dans l’Etat France, il y a les Régions.
Dans les Régions, il y a les Départements.
Dans les Départements, il y a les communes.

On voit donc qu’en cas de difficultés, les communes peuvent s’adresser au département, qui peut recourir à la Région, qui elle-même peut se tourner vers l’Etat, qui peut faire appel à l’Europe.

L’exemple de la toute récente crise grecque est là pour nous le rappeler, l’Europe protège ses Etats.

Hors du statut de droit commun, et en cas de crise financière très grave de l’Etat français ou même de l’Europe, le statut de territoire spécifique ne nous protégerait guère mieux que celui de pays ACP.

Pourquoi alors lâcherions-nous la proie pour l’ombre.

Amédée ADELAIDE
Président de CSLR
15 mai 2010

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