vendredi 23 avril 2010

DÉCLARATION AU JUGE D'INSTRUCTION AVANT QU'IL NE PRONONCE MA MISE EN EXAMEN



Fort-de-France Vendredi 23 avril 2010

Monsieur le juge, Je suis venue vous dire, et je cite Aimé Césaire qui s’exprimait en décembre 1974 dans le Nouvel Observateur :

« Le régime dans lequel nous sommes est la Négation de notre personnalité…. » Il y a ici un conflit Colonial et c'est l'Identité, la Survie de notre Peuple qui est en question.

Monsieur le juge, je suis venue vous dire que nous n’avons pas, France Télévisions et moi le même sens de l’honneur. Et je vous expliquerai pourquoi :

Le 6 mars dernier, Eric Zemmour, journaliste vedette de la télévision française, déclare, dans une émission de France ô, la télé dite des « minorités visibles » :

"discriminer c'est choisir, discriminer c'est, sélectionner, discriminer c'est la liberté. On a le droit de choisir avec qui on veut travailler" !

Nadir Djennad, journaliste à Beur FM, prend l'exemple d'employeurs qui demandent aux agences d'intérim de ne pas leur présenter de noirs et d'arabes. "Mais ils ont le droit !", lui répond Zemmour. Une pratique pourtant illégale, réprimée par le Code du Travail.

France Télévisions n’a pas porté plainte contre Monsieur Zemmour.

Faut-il en conclure que c’est au nom de cette idée de la République française, que la rédaction de RFO Martinique a décidé de ne choisir, aucun martiniquais pour animer une émission sur l’homme Martiniquais le plus connu, le plus respecté, le plus aimé de notre pays Martinique, je parle d’Aimé Césaire, décédé un an plus tôt.

Et c’est à ses funérailles, que l’un de ses plus proches compagnons, le docteur Pierre Aliker a affirmé, en présence des plus hautes autorités de la République française, en présence du chef de l’Etat :

« Les meilleurs spécialistes des affaires martiniquaises, sont les Martiniquais ! » Honneur et respect au docteur Pierre Aliker.

Monsieur le juge je suis venue vous dire que je considère que je n’ai diffamé personne, que je revendique ma liberté d’expression, je revendique mes cris d’indignation, mes cris de survie !

Cri d’indignation que j’ai exprimé le 16 février 2006, dans une lettre ouverte à Patrick de Carolis, l’actuel Président de France Télévisions. Lettre co-signée par plusieurs organisations syndicales.

Je dénonçais l’esprit colonial qui sévit « quand la mobilité, cet autre leurre, ne concerne que les déplacements du Nord vers le Sud. »

Je rappelais mes collègues « à cause de la couleur de leur peau et de leur accent n'ont d'autres choix que de travailler au pays.

« Nous savons bien écrivais-je, qu'avec Audrey PULVAR, le quota de couleur sur les chaînes publiques est atteint. »

J’écrivais à Patrick de Carolis :

« Monsieur le Président, au moment où vous vous apprêtez à aller serrer la main d'Aimé Césaire, le nègre fondamental, gardien de notre dignité, de notre résistance, (et pour cela interdit de nos antennes jusqu'à l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand), nous vous souhaitons la bienvenue et vous invitons à regarder notre pays tel qu'il est.

Un pays fort de femmes et d'hommes qui ont bâti une Martinique libérée de l'esclavage depuis seulement 158 ans. Dans un brassage culturel nourri de tolérance, ces femmes et hommes de Martinique ne quémandent pas quelques sous de la France. Debout, la population de Martinique exige le respect. »

Monsieur le juge, Au nom de ce respect, je n’accepterai jamais que les Martiniquais soient exclus de leurs affaires. Et à l’occasion de la mort d’Aimé Césaire, que le choix ait été fait ne pas choisir un seul journaliste martiniquais pour animer une émission sur aimé Césaire, c’est fouler au pied notre dignité de Martiniquais. C’est utiliser ce mépris ancestral que nourrit le système colonial.

Monsieur le juge je suis venue vous dire que je n’accepterai, jamais, que des Lataste ou d’autres viennent me soupçonner de racisme quand je suis née du crime le plus odieux de l’histoire, de l’esclavage, de la déportation.

Je dis aux donneurs de leçons comme Monsieur Réné Lataste que jamais je ne pourrai tolérer que leur indignation sélective ne se réveille que sous les cocotiers, où le préjugé colonial, comme un nuage toxique, comme un mirage, laisse croire encore que nous serions encore des sous hommes avec comme seul droit, celui de baisser la tête en silence.

Monsieur le juge, je veux dire que j’enlève aucun mot, aucune virgule à la lettre ouverte que j’ai adressé à René Lataste. j’ai conclu ma lettre ouverte à Monsieur René Lataste en ces termes :

« Sachez que je suis bien décidée à vous dire et à tous ceux qui veulent faire taire ce peuple : ......qui ne dit mot, consent à disparaître.

Cessez de croire que ce peuple est couché, vous trouverez encore quelques larbins, profitez-en, mais le mouvement du 5 février 2009 démontré qu’ils sont moins nombreux qu’on veut le croire.

« Par ailleurs, jugeant l’action colonisatrice, j’ai ajouté que l’Europe a fait fort bon ménage avec tous les féodaux indigènes qui acceptaient de servir ; ourdi avec eux une vicieuse complicité ; rendu leur tyrannie plus effective et plus efficace » Extrait du « Discours sur le colonialisme » d’Aimé Césaire.

Avec toutes celles et ceux qui naissent ou choisissent de vivre dans ce pays, avec nous, en nous respectant, je chante :

Martinique sé ta nou !

Lisa DAVID

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