mardi 19 janvier 2010

Haïti : Ne pleurez pas pour eux, mais pleurez plutôt pour vous !


« C'est pathétique! L'histoire d'Haïti est glorieuse. Je n'ai jamais oublié que cette île a conquis la liberté voilà deux cents ans: on ne la lui a pas donnée. Les Haïtiens se sont battus pour l'avoir. Mais il faut insister sur le fait qu'ils l'ont conquise pas seulement pour eux mais pour nous tous. Nous devons leur en être reconnaissants.»

Répondant aux questions de la plus africaine des antillaises, Maryse Condé, Aimé Césaire rappelait à tous le devoir de mémoire, la dette que nous avons envers Haïti, symbole de liberté et aussi de l’oppression permanente du colon qui, pour punir cet « outrage », ce crime de lèse majesté, a soumis ce pays à une extrême précarité en le privant des facteurs de développement par une dette aussi cruelle que honteuse. Haïti s'est vu infliger par la France des indemnités faramineuses, pour indemniser les planteurs esclavagistes. Ainsi donc, les propriétaires de plantations et donc d'esclaves, ont été gratifiés de très confortables indemnités comme c’est le cas en Guadeloupe et en Martinique, ainsi que l'Etat français. Haïti a payé cette dette de l’ignominie d’un système qui n’accepte pas l’épanouissement de l’homme noir. Ce qui a eu pour effet de mettre à genoux ce peuple vaillant, fier et entreprenant. De la même façon, l’Afrique continue de payer le lourd tribut pour essayer d’accéder à la liberté. Arrivera t-elle avec les complicités multiples qui la gangrènent ?

En ces temps où l’on voudrait faire avaler une flagrante et grossière rouerie à tout un continent, celle des 50 années d’indépendance, il est utile de rappeler que Haïti est et reste un héritage de la lutte pour l’indépendance réelle pour les peuples noirs et que ses malheurs sont les nôtres.

Aimé Césaire n’ajoutait-il pas dans la tragédie du roi Christophe : « Pauvre Afrique ! Je veux dire pauvre Haïti ! C’est la même chose d’ailleurs..» comme pour montrer la proximité entre eux et nous.

Aujourd’hui Haïti est en deuil ! Une tragédie sous le sceau des éléments de la nature peut-on et allons nous benoîtement conclure. Oui ! Haïti vit une tragédie dont la nature aurait été la seule décideuse. Notre première réaction est de la soutenir, de compatir avec toutes ces familles éplorées. Ne regardons pas pourquoi elles pleurent, mais comment atténuer les douleurs qui sont les leurs, car cette tragédie est aussi la nôtre à plusieurs égards. D’abord sur le plan humain et des idées, parce que l’Afrique francophone comme ce pays est la proie de la prédation et de l’oppression coloniale d’une part, ce qui le rend vulnérable et l’inscrit dans le registre des pays les plus pauvres de la planète; d’autre part par un manque criard de vision politique de ses dirigeants (en ont-ils les moyens ?), un manque d’infrastructures en tous genres pour affronter de tels événements tragiques. Causes ou corollaires ? Fait est que le constat est sans appel.

Quel pays africain et de surcroît francophone est à même de faire face à une tragédie d’une telle envergure ? Les dirigeants africains plus préoccupés à la satisfaction des desiderata de leur agence d’emploi (Elysée et Quai d’Orsay pour ne citer que ces deux là) et à leurs comptes en banque ont-ils pensé à un tel scénario et surtout à comment y faire face ? Avons-nous en Afrique des infrastructures de prévention ou alors de prise en charges en cas de catastrophes naturelles ?

Le drame haïtien doit nous interpeller en Afrique, dans notre capacité à intégrer des scenarii catastrophes et à notre capacité à y faire face. Pleurons pour les haïtiens, mais pleurons encore plus pour nous car si une telle situation se présente à nous qu’allons nous faire ? Nos gouvernements plus enclins à des complicités avec les pilleurs des richesses de l’Afrique, devraient peut-être se servir de ce malheur qui frappe une fois de plus nos frères haïtiens pour une réflexion profonde dans la gestion des richesses de nos pays. Peut-être dans le cas d’espèce, on peut positiver sur le malheur pour extraire des solutions afin de parer à biens d’autres qui pourraient survenir.

Bientôt 3 siècles, le peuple haïtien bravait l’une des tragédies les plus violentes et perverses de l’histoire de l’humanité, car basée sur la haine, la négation à l’appartenance à l’humanité. Ne relevant pas du caprice de la nature, mais de la volonté de l’homme. Haïti a su par le passé faire face aux drames écrits par la nature, nous pensons aussi que Haïti sortira vainqueur de celui-ci malgré l’intensité de la douleur.

"La violence qui a présidé à l`arrangement du monde colonial, qui a rythmé inlassablement la destruction des formes sociales indigènes, démoli sans restriction les systèmes de références de l`économie, les modes d`apparence, d`habillement sera revendiquée et assumée par le colonisé au moment où, décidant d`être l`histoire en actes, la masse colonisée s`engouffrera dans les villes interdites" rappelait Frantz Fanon.

Pour arriver donc à cette histoire en actes, commençons par avoir la vision, des projets ambitieux, des infrastructures qui protégeraient ou au pire, aideraient à faire face à de telles catastrophes qui elles, ne relèvent pas de la volonté humaine, même si les humains, à force de dénaturer la nature, les provoquent de plus en plus.


Jean-Jacques Dikongué

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